Quelle est cette nouvelle Ferrari qui a fait plonger le titre en bourse ?

Le 9 octobre, Ferrari n’a pas fait trébucher son action avec une « mauvaise » voiture, mais avec un message jugé trop prudent. Lors de sa Journée des marchés des capitaux, la marque a présenté un plan 2030 qui a refroidi les attentes : l’action a décroché de 15,4 % en une séance, sa pire chute depuis l’IPO de 2016, puis d’environ 22 % sur quatre jours. Une semaine plus tard, au 17 octobre 2025 (17 h 45), le titre RACE se traitait 340,50 € à Milan (-0,53 %). La réaction en chaîne s’explique moins par un modèle en particulier que par une trajectoire de croissance perçue comme ralentie, malgré des marges dignes du luxe et une discipline de rareté intacte.

Le « coup de froid » : un plan solide, mais trop sage pour le marché

Ferrari a confirmé pour 2025 un chiffre d’affaires d’au moins 7,1 Md€, un EBIT ajusté d’au moins 2,06 Md€ et un BPA ajusté d’au moins 8,80 €. Pour 2030, la cible d’EBITDA ajusté d’au moins 3,6 Md€ et une marge opérationnelle toujours au-delà de 30 % s’accompagnent d’une promesse de retour à l’actionnaire plus généreux — rachat d’actions et taux de distribution porté à 40 %. Pris ensemble, ces jalons impliquent un rythme de progression de l’EBIT d’environ 6 % par an d’ici 2030, loin des cadences à deux chiffres que certains investisseurs extrapolaient encore. Le message est clair : la croissance restera positive, mais plus mesurée que lors de la phase 2022-2025, où les ventes ont avancé de plus de 11 % par an. La sanction boursière a été immédiate, d’autant que le titre incorporait déjà une prime de perfection.

La « nouvelle Ferrari » : une stratégie, pas une seule voiture

Le titre de séance appelle une réponse simple : non, ce n’est pas une voiture précise qui a provoqué la chute, mais la lecture du plan. Cela n’empêche pas deux nouveautés de structurer la feuille de route. D’abord l’hypercar F80, série limitée à très forte valeur ajoutée (prix indicatif autour de 3,9 M€, 799 unités, déjà épuisées) qui doit porter le mix et les marges en 2026-2027. Ensuite l’Elettrica, première Ferrari 100 % électrique dont le lancement à partir de 2026 ancre l’évolution de la gamme vers un équilibre 40 % thermique, 40 % hybride et 20 % électrique à l’horizon 2030. Entre 2026 et 2030, Maranello promet en moyenne quatre lancements par an, avec des Séries Spéciales destinées à soutenir le prix de vente moyen. La personnalisation, devenue pilier du modèle économique, représente déjà près de 20 % des revenus automobiles — soit environ 80 000 € par véhicule en 2024 — et devrait encore gagner du terrain.

Pourquoi les marchés ont-ils puni une belle histoire industrielle ?

La Bourse a buté sur l’écart entre, d’un côté, la réalité d’un « compounder » de luxe aux marges supérieures à 30 %, à la génération de cash robuste (8 Md€ visés en cinq ans) et au pouvoir de fixation des prix exceptionnel ; et, de l’autre, un cadrage de croissance jusqu’en 2030 perçu comme timide. Après des années de surperformance, un « guidance » plus bas que les attentes ramène l’histoire sur un tempo normalisé. À court terme, cela suffit à déclencher des prises de bénéfices, même si l’historique de prudence — Ferrari sous-promet et sur-livre souvent — plaide pour la patience.

Ce qui peut rassurer sans masquer les risques

La dynamique produits reste favorable. L’hypercar F80 et les Séries Spéciales doivent doper le mix dès 2026, quand l’Elettrica ouvrira une nouvelle ligne de croissance, à la vitesse choisie par la marque, sans renier la rareté. Les carnets de commandes profonds et une clientèle ultra-fortunée amortissent les cycles. La conversion de trésorerie, supérieure à 75 %, laisse des marges de manœuvre pour financer la transition et rémunérer l’actionnaire. Reste à surveiller quelques signaux faibles : des valeurs résiduelles plus volatiles sur certains hybrides (SF90, 296) sur quelques marchés, et une demande mondiale de VE haut de gamme moins euphorique qu’en 2022. La réussite de l’Elettrica reposera autant sur l’ingénierie que sur l’expérience client et le maintien de l’exclusivité.

Le décor de marché n’a pas aidé

Au moment du décrochage, l’environnement boursier était lui-même hésitant : le CAC 40 reculait de 0,18 %, l’Euro Stoxx 50 de 0,79 % et le DAX de 1,82 %, quand Wall Street résistait mieux (Dow Jones et Nasdaq Composite +0,52 % chacun). Les taux à 10 ans affichaient 4,053 % aux États-Unis et 3,215 % en France, le Brent évoluait à 61,34 dollars tandis que l’or culminait à 4 249,98 dollars l’once ; l’euro s’échangeait 1,166 dollar et le bitcoin 106 832 dollars. Dans ce contexte nerveux, des prises de bénéfices sur un titre valorisé comme un actif de luxe — et non comme un constructeur généraliste — peuvent rapidement s’amplifier.

Un message plus qu’une voiture

La question « quelle est cette nouvelle Ferrari qui a fait plonger le titre ? » appelle une réponse contre-intuitive : ce n’est pas un modèle qui a fait chuter l’action, c’est un message. Ferrari a redessiné une trajectoire crédible et hautement rentable, mais moins flamboyante que ce qu’espérait un marché habitué au sans-faute. La thèse de long terme — rareté, personnalisation, marges de luxe, génération de cash — reste intacte. À court terme, la F80 et, à partir de 2026, l’Elettrica, devraient fournir les prochains catalyseurs. Entre prudence et précision, Maranello a choisi son camp ; il appartient désormais à la Bourse de réajuster ses attentes.

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